
Avez-vous vu passer l’initiative Encourageons Nos Médias Locaux qui tentent de sensibiliser les annonceurs québécois à investir leurs budgets publicitaires spécifiquement auprès des médias d’ici?
Effet secondaire de la pandémie
La pandémie du Coronavirus qui frappe la planète a mis en lumière un problème de fond qui grugeait les fondations de nos médias locaux depuis 15 ans au minimum.
Dans les faits, je jetterai carrément le blâme sur la publicité “programmatique”.
Cela fait 15 ans au bas mot que nous achetons de la publicité sur Google pour la recherche payée, sur Facebook et autres médias sociaux, et une bonne dizaine d’années que le Real Time Bidding est devenu disponible et accessible aux agences (grands acheteurs de pub) d’ici.
Notons que la quasi-totalité de ces plateformes est Américaine.
Pourquoi la publicité programmatique?
Cette façon d’acheter la publicité simplifiée pour l’annonceur (de partout) est très attrayante. Non seulement l’achat est facile, l’optimisation l’est aussi. Les tarifs qu’ils sont en CPM ou CPC sont ridiculement bas comparativement aux tarifs des médias d’ici. Enfin, le programmatique offre tellement plus d’options de ciblage précis que les médias numériques d’ici!
On voit donc des tarifs en programmatique de 1 $ du clic vs 3 $ à 5 $, 2 $ à 5 $ du mille impressions comparativement à 10 $, voir même 35 $ CPM dans certain cas.
Vous voyez qu’il est alors très difficile d’ignorer une opportunité si avantageuse. Autant l’annonceur que l’agence de publicité cherchent des résultats au plus faible coût, à tout prix, en tout temps.
Oui, mais, quel effet secondaire de la pandémie?
L’effet secondaire de la pandémie est que depuis son début, on passe 20 minutes de plus avec la télévision câblée par jour (augmentation mesurée aux États-Unis, et au Royaume-Uni). Ici, Numéris a mesuré une hausse de 1 % la portée de la télévision au Canada français.
On passe aussi beaucoup plus de temps sur les médias sociaux – estimés à 1h20 par jour au total mondialement selon eMarketer.
Donc, on passe plus de temps avec les nouvelles à la télé, et à se divertir sur les médias sociaux. Mais, le réel effet secondaire est que les annonceurs ne veulent pas s’associer aux mauvaises nouvelles liées au Covid-19, donc, on dépense moins en radio, en télévision et dans les quotidiens. Même Facebook indique une baisse de revenus malgré une hausse d’achalandage.
Où vont ces dollars? En programmatique et sur Google Ads de différente façons. La publicité de recherche continue à bien performer. Bien que certains annonceurs ont diminué leurs investissements alors que leur entreprise a été mise en pause, les commerces en ligne eux ont augmenté significativement leurs dépenses publicitaires. On voit une très forte croissance dans le nombre de publicités vidéo sur YouTube, et en publicité d’affichage, ailleurs que sur les environnements de nouvelles.
Donc, plus de temps avec les médias d’ici avec les nouvelles, mais moins de revenus publicitaires au rendez-vous…
OK, mais comment cela se chiffre-t-il ?
En 2005, le numérique représentait 6 % des investissements médias au Canada français. 33 % de cela était sur les moteurs de recherche, dont 100 % des revenus s’en vont aux États-Unis chez Google, Yahoo, Bing (ou le nom qu’il avait à l’époque) et les autres moteurs de recherche.
En 2005, on sait donc que 2 % des investissements médias francophones au Canada échappaient aux médias d’ici.
En 2010, la part du numérique était à 12,6 %. La part de la recherche atteint alors maintenant 40 % du numérique, et déjà on achetait de la bannière sur des sites américains. Ce sont donc 9.4 % du total Canadien, tous médias confondus qui sortaient du pays.
En 2015, le numérique atteint 32 %. Si on tient compte des % en recherche payée, sur les médias sociaux, facilement 40 % des bannières et 50 % de la publicité vidéo, c’est donc 26.9 % des investissements publicitaires totaux échappent à nos médias locaux.
En 2020, et ce, sans tenir compte des effets de la pandémie, les experts, dont Dentsu Aegis Network, prédisaient une croissance de 5.3 % en 2019 au Canada, puis 6.5% en 2020. J’ai projeté cette croissance sur le Canada français. Le Canada français représente 20.9 % du total. On voit que le numérique atteint maintenant 49.8 % des investissements médias totaux.
Ce serait donc maintenant un minimum de 40 % de tous les investissements publicitaires qui iraient aux États-Unis. Pour le numérique, cela représente 81.2 % selon mes calculs indépendants.
L’A2C estimait la semaine passée cette part à 86 % indiquant que c’est une part très importante.
Il est temps d’agir !
Il est grandement temps de repenser où vont nos $ publicitaires : restent-ils ici? Ou, profitent-ils à des intérêts autres que les nôtres?
Il est illusoire de croire qu’on va diminuer les dépenses sur les moteurs de recherche. Illusoir à moins qu’un moteur de recherche local voit le jour, et qu’il soit tout aussi performant que Google. Mais je crois que c’est en effet illusoire.
C’est du côté des bannières et des vidéos où il faut revoir ses plans. Si on continue à faire des achats programmatiques à cause du prix, alors il faudra voir comment mieux cibler nos publicités sur des sites d’ici, pas seulement des usagers d’ici.
Mais, il faudrait vraiment une alternative Québécoise pour les petits annonceurs
Enfin, une alternative québécoise ou canadienne au Google Display Network serait sérieusement à envisager. Une plateforme où n’importe quel annonceur pourrait facilement placer et gérer une campagne sur des sites d’ici. Il faudra à cette plateforme de bonnes options de ciblage. Cette plateforme se doit d’être aussi simple d’accès que Google Ads. Les petits annonceur n’utiliseront pas un Deal ID spécifique pour les médias Québécois. Cela servira seulement aux grosses agences qui ont leur propre DSP.
Il est probable que 50 % des dollars investis en pub sur le Google Display Network sont faits par des petits annonceurs. Les petits annonceurs qui investissent entre 6 et 60 0000 $ par année, ne peuvent se permettre l’usage d’un DSP. Vous me direz qu’ils peuvent le faire via une agence. Mais plusieurs ne veulent tout simplement pas faire affaire avec de telles agences. D’autres, qui ont étudié un peu la question, ont peur de la fraude et des problèmes de visibilité.
De plus, ces petits annonceurs ne peuvent souvent pas dépenser de si petit budget auprès des médias d’ici qui ont des minimums (avec raison). Placer tout son budget auprès d’un seul partenaire média compromet une portée plus large disponible en programmatique.
Encourageons nos médias locaux !